VIE LITTÉRAIRE

  Le roman populaire est un avatar du romantisme. Les romanciers n'ont retenu qu'un seul principe : celui de l'engagement social et ils sont nombreux à s'engager dans cette voie. Désormais le romancier a pour mission d'éduquer les basses classes, il se donne comme porte parole du peuple. Victor Hugo s'attribue même la situation de messager entre Dieu et les hommes " Peuple écoutez le poète ".
Jusque là les personnages favorisés par le roman étaient d'une condition sociale élevée. Le peuple qui avait toujours été méprisé, devient un objet d'étude. Eugène Sue se promène dans les bas quartiers de Paris, comme Rodolphe (héros de Mystères de Paris) et regarde avec curiosité l'activité de la foule. George Sand s'intéresse de son côté aux paysans qu'elle met en scène entre autres dans François de Champi (1848). Victor Hugo publie les Misérables en 1862.
  Il ne faut pas tomber dans la confusion entre roman populaire et roman feuilleton. La tentation d'assimiler l'un à l'autre vient du fait que les feuilletons publiés dans les journaux sont lus par le plus grand nombre. Parmi les feuilletons nous avons bien entendu des romans populaires, comme Les Mystères de Paris, mais nous avons aussi des romans de cape et d'épée, comme Les Trois mousquetaires, des romans de moeurs, et bien d'autres encore. En fait, le découpage en feuilleton exige une intrigue qui met suspens les actions et qui incite les lecteurs à acheter le journal du lendemain pour connaître la suite des aventures. C'est avec l'apparition de la presse moderne que se développe le roman feuilleton. En 1836, naissent simultanément La Presse et Le Siècle créés respectivement par Emile de Girardin et par Armand Dutacq. La diminution du coût du journal doit être contrecarrée par l'augmentation du nombre de lecteurs. Le feuilleton est un espace du journal consacré à tout ce qui à attrait à la littérature ou aux arts. Il peut s'agir de compte rendu de roman, d'annonces de publication et c'est également l'espace où est publié un roman. Bientôt le feuilleton sera assimilé au roman publié. Balzac est l'un des premiers à s'essayer à ce mode de publication. Le 23 octobre 1836, il fait paraître la Vieille fille dans La Presse. Le roman sera retiré avant la fin de sa publication, il faut dire que l'intrigue est loin d'être exaltante. La parution en feuilleton exige que le romancier rende sa copie tous les jours pour la publication du lendemain. Cette écriture extrêmement rapide ne convient pas à Balzac, toute relecture devient subsidiaire. C'est souvent lors de la parution en volume que ces oeuvres sont remaniées. La multiplication des rebondissements devient un lieu commun du roman feuilleton. L'écrivain n'hésite pas à utiliser les clichés les plus usités. Seule l'intrigue compte, la façon dont l'histoire est racontée devient secondaire. Le style devient un luxe inutile. Eugène Sue connaît son heure de gloire grâce à ses romans feuilletons dans lesquels il exprime ses prises de positions en faveur du peuple. Les Mystères de Paris (1842-1843), est l'un des plus grands succès du roman feuilleton. Théophile Gautier ironise en disant que les malades ont attendu la fin de ce livre pour mourir. Balzac fait part de son mépris et de son envie dans sa correspondance. Sainte-Beuve dénigre cette littérature écrite dans l'urgence.
  Le roman populaire doit répondre à quatre exigences pour être revendiquer en tant que tel. Dans un premier temps il prend le peuple comme objet d'étude, il doit être lu par le peuple, la modalité de publication doit facilité cette lecture dans les classes moyennes, enfin la dernière exigence, moins vraisemblable c'est que le roman populaire devrait être écrit par le peuple. Là encore le nom d'Eugène Sue doit être évoqué, puisque Les Mystères du peuple (1849-1857) sont l'incarnation parfaite du roman populaire. Eugène Sue délègue sa parole à ses personnages, ce qui efface son acte d'écriture au bénéfice d'un personnage issu du peuple. Par ailleurs, Eugène Sue propose dans ses romans de nombreuses réformes sociales qui vont de la transformation des prisons, à la ferme de modèle de Bouqueval en passant par la banque des pauvres et bien d'autres idées novatrices encore qui sont disséminées dans son roman.
Les romanciers du XIXe siècle sont souvent impliqués dans la vie politique et pour certains les conséquences de leur engagement seront malheureuses. Le 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte instaure un régime autoritaire par un coup d'Etat. Beaucoup d'écrivains engagés dans la Seconde République, sont contraints soit de s'exiler comme Victor Hugo, soit de se mettre en retrait de la vie politique comme George Sand. Eugène Sue est particulièrement détesté par Napoléon III, mais un de ses amis haut placé lui obtient la grâce de l'empereur qu'il refuse. Il choisit de s'exiler à Annecy qui appartient encore à l'Italie jusqu'au traité de Turin en 1860. Lorsqu'il voudra revenir sur le territoire français, cela lui sera interdit.Malgré leur exil les écrivains poursuivent leurs oeuvres. Victor Hugo ne rentrera en France que le 5 septembre 1870, le lendemain de la chute du Second Empire.

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