ATAR-GULL

Résumé de l'oeuvre
Commentaires

Résumé de l'oeuvre :
  Atar-Gull est le nom d'un indigène de la tribu anthropophage des petits Namaquas. Fait prisonnier par la tribu adverse, il est livré à un négociant qui le revend parmi d'autres marchandises, à M. Benoit, capitaine de la Catherine. En route vers la Jamaïque, le brick de M.Benoît est attaqué par un navire pirate. M. Brulart, ex-gentilhomme, à la tête de cette goëlette pirate, s'empare de la cargaison, parmi laquelle se trouve Atar-Gull. Ce noir gigantesque est effrayant, mais son air de soumission tranquille rassure et dissimule l'ébullition de son âme. Il est racheté en Jamaïque par M. Will, un riche exploitant. Une haine puissante anime Atar-Gull, tout d'abord à l'égard de Brulart, mais aussi à l'égard de son maître. Sa serviabilité lui permet d'intégrer très vite l'harmonie familiale de M. Will qu'il détruit impitoyablement, sans qu'aucun soupçon ne se pose sur lui. M. Will décide de rentrer en Europe, ayant tout perdu en Jamaïque. Atar-Gull l'accompagne et tout le monde s'accorde à chanter les louanges de cet esclave si exceptionnellement généreux avec son maître. En France, M. Will se retrouve totalement isolé, à la merci de son esclave qui lui révèle enfin dans un cri de joie sauvage qu'il est à l'origine de ses malheurs. M. Will ne tarde pas à mourir, quant à Atar-Gull, il se voit attribuer un prix de vertu qui rend hommage à son dévouement exemplaire.

Commentaires :
  Lors de sa parution en 1831, ce troisième roman d'Eugène Sue fit scandale, comme le rapporte Ernest Legouvé : " L'effet fut immense. Ce mélange d'audace dramatique et de sarcasme; ces scènes pathétiques ou gracieuses, terminées par le plus insolent des dénouements, ce prix de vertu donné par l'Académie à ce nègre meurtrier et empoisonneur, tout cela scandalisa, exaspéra, enthousiasma..." Atar-Gull contredit et parodie le mythe du bon sauvage pour dévoiler celui du barbare anthopophage. Du suicide au meutre, il commet tout ses crimes avec un raffinement qui fait frémir. Le lecteur est effrayé de voir ce génie du mal agir en toute impunité; mais il hésite parfois à condamner cet esclave arraché à sa terre, par le bon vouloir de l'homme blanc qui a besoin de main d'oeuvre pour faire cultiver son exploitation. Que penser de l'attitude bonhomme de M. Benoît, honnête commerçant, qui compte parmi sa marchandise de la chair humaine ? Que dire aussi du personnage de Brulard, ancien gentilhomme trompé, trahi qui a survécu à son suicide et qui choisit la piraterie après avoir connu le luxe des salons parisiens.

Extrait d'Atar-Gull : Livre cinquième, chap. XX, La vieille des noces:
  Alors, elle, promenant son joli doigt blanc sur cette humide rosée... y traçait, rêveuse et souriante, le nom de son Théodrick...
  Un léger frôlement qu'elle entendit du côté de la fenêtre la fit tressaillir... elle tourna vivement la tête... les joues colorées, toute honteuse de se voir peut-être surprise dans ses secrets les plus chers...
  Mais tout à coup ses lèvres pâlirent... elle jeta violemment ses mains en avant... essaya de se lever... mais ne le put...
  Elle retomba sur sa chaise, agitée d'un affreux tremblement...
  La malheureuse enfant venait de voir la tête hideuse d'un monstrueux serpent qui se glissait à travers la jalousie et les persiennes, soulevait le store et s'avançait en rampant...
  Il se cacha un moment dans la caisse de fleurs qui encadrait la fenêtre.
  La disparition momentanée de cet affreux reptile semblait donner des forces à Jenny, elle se précipita vers la porte de la galerie, s' y cramponna, tâcha de l'ouvrir en criant : " Au secours ! ma mère... au secours ! ... un serpent... "
  Impossible...
  Son père, sa mère, son amant tenaient cette porte en dehors, et Jenny entendit la joyeuse voix du bonhomme Wil qui disait :
  " Oui, oui, crie bien, crie bien, ça t'apprendra à avoir peur... petite folle... il ne te mangera pas... sois donc raisonnable... mon dieu ! Que tu es enfant !   - Prends cela sur toi, ma Jenny, dit sa bonne mère... une fois guérie de la peur, c'est pour toujours... allons, sois gentille... "
  Jusqu'à son Théodrick qui ajouta : " C'est moi, ma Jenny, c'est moi qui ai tout fait, et tu me donneras pourtant un beau baiser pour ma peine, car c'est pour ton bien, ange de toute ma vie... "
  Ils croyaient, eux autres, qu' il s'agissait du serpent mort qu'ils avaient mis là pour habituer la pauvre enfant, comme ils disaient...
  Jenny poussa un horrible cri et tomba au pied de la porte...
  Le serpent venait de déborder la caisse, et sa queue était encore au milieu des fleurs, que sa gueule entr'ouverte, qui bavait l'écume, béait sur Jenny.
  Il s'approcha... vit sa femelle morte... écrasée sous la petite table, et poussa un long sifflement sourd et caverneux.
  Il entoura, avec une inconcevable rapidité, les jambes, le corps, les épaules de Jenny, qui s'était évanouie…
  Le col visqueux et froid du reptile se collait sur le sein de la jeune fille.
  Et là, se repliant sur lui-même, il la mordit à la gorge...
  La malheureuse, rappelée à elle par cette atroce blessure, ouvrit les yeux et ne vit que la tête grise, sanglante du serpent et ses yeux, gonflés de rage... qui flamboyaient.
  " Ma mère, ô ma mère ! ... " cria-t-elle d' une voix éteinte et mourante...
  À ce cri de mort, convulsif, râlant, saccadé, un éclat de rire, faible et strident répondit...
  Et l'on put voir l'affreuse figure d'Atar-Gull qui soulevait un coin du store comme avait fait le serpent.
  Il riait, le noir ! ! !
  Jenny ne criait plus... elle était morte...

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